Yann Dalon, à l'encre de ses Bleus

Le 01/07/2019

Yann Dalon, à l'encre de ses Bleus

Grand fan de sport, Yann Dalon a peint les fameuses portes de chambre d'hôtel des Bleus qu'on a pu voir pendant la Coupe du monde en Russie. Pour l'ouverture du Mag Pop&Kop, il a accepté de nous parler  de cette expérience, mais aussi d'Allen Iverson, de Game of thrones ou de Batman.

Comment tu as fait pour travailler avec la Fédération française de foot ? 
Grâce aux réseaux sociaux ! Un gros compte sur Twitter me suivait, il avait relayé mon boulot à plusieurs reprises, et c'est tombé sous les yeux d'un mec de la FFF à qui ça a plu. C'est incroyable, vraiment incroyable, d'autant qu'on a eu la grande chance d'être champions du monde. C'était une super vitrine pour mon boulot.

Tu as rencontré les Bleus pour ce travail ?
Non, je ne les ai pas rencontrés, je travaille principalement sur photo. J'ai énormément de respect pour ceux qui arrivent à faire un dessin à main levée sur un personnage en mouvement, ou ceux qui font des roughs de tête pour le cinéma : moi je ne sais pas faire, je suis plutôt comme un impressionniste, genre Cézanne qui s'est posé au pied de la montage Sainte-Victoire et l'a peinte 150 fois. Je me pose devant une image et j'essaye de la reproduire, dans mon style. Je fais ça avec des portraits mais aussi avec des objets du quotidien : des chaussures, un bateau...

"Kanté utilise toujours mon portrait pour sa photo de profil Instagram"

Tu as eu des retours des Bleus ?
Non, pas directement. Mais mon interlocuteur de la FFF m'a dit que les joueurs étaient super contents. Et puis ça se voit quand ça plaît : les joueurs ont posté sur les réseaux devant leur porte, y a eu le reportage de TF1 dans lequel on pouvait les voir. N'Golo Kanté utilise toujours mon portrait pour la photo de profil de son Instagram. C'est des choses qui font vraiment plaisir.

Tu tires quel bilan de l'opération ?
Déjà, je me suis fais plagier par plein de gars (rires) ! Il y a des tas de produits dérivés qui sont vendus sur Alibaba avec mes œuvres, un truc de dingue. J'ai aussi eu des propositions pour en faire des écharpes, des t-shirts, des sacs à dos... Mais pour moi, c'est non, surtout par respect pour les joueurs qui n'ont pas forcément envie de se retrouver sur un produit dérivé tout pourri. Mais je ne passe pas non plus mon temps à courir après ça. Il faut accepter de se faire copier et mettre cela en balance avec ce que ça t'apporte. Dans la foulée, j'ai reçu une proposition de la FFF pour faire des calendriers avec Michel Lafont, un produit super propre, sur lequel j'ai bossé les œuvres, la colorimétrie, etc. Être réglo, ça permet d'avoir des retours positifs, et tout simplement être en accord avec ce que tu défends. Après, l'hôtel des Bleus en Russie, c'était un travail de ouf : il y avait un côté stakhanoviste ! Malgré le succès, et même si je valide tout, j'avais quand même besoin de souffler après ça.

C'est pour ça que tu es passé complètement à autre chose, avec ta série de portraits de personnages de Game of Thrones ?
Oui, j'ai fait vingt personnages de Game of Thrones, c'était très cool. Et c'est aussi une manière de ne pas être catalogué uniquement comme artiste "sport" : même si je suis dedans à fond, je ne suis pas que ça. De moi-même, j'aime varier mes approches.

Du point de vue technique, comment tu travailles ?
Tu fais bien de poser la question, parce qu'il y a plein de gens qui m'envoient des messages pour savoir avec quelle application je fais mes portraits...

Genre : quels filtres tu as appliqué sur la photo ?
Oui c'est ça ! On est dans une génération compliquée pour ça ! (rires) Je travaille principalement à l'aquarelle, à l'encre, et ensuite je "remonte" tout à la palette graphique. Les artistes dont je m'inspire sont très variés : j'aime Goya, la peinture hollandaise de Rembrandt, mais aussi le comics américain, en particulier le travail d'encrage sur Batman... Et aussi le tag, le graff, Dragon Ball Z... En fait j'apprécie les rendus dynamiques. Pour moi, celle qui a plié le game, c'est la graphiste qui a imaginé le swoosh de Nike : il est d'un mouvement et d'une simplicité incroyable.

"Je suis un immense fan d'Allen Iverson"

Tu n'as jamais eu envie de raconter des histoires, en plus de peindre et dessiner ?
On me pose souvent la question, en me disant que je devrais faire de la BD. Même si j'adore ça (je vais d'ailleurs à une séance de dédicaces ce soir), quand tu vois le nombre de BD qu'il y a, c'est compliqué d'exister dans ce milieu... Il y a quand même une histoire d'économie, et moi j'ai aussi envie de vivre de mon travail : je ne crois pas à l'artiste bohème.

Il y a une collaboration qui te ferait rêver ? Avec un joueur, une équipe ?
Alors pour tout te dire, je suis un immense fan d'Allen Iverson. Ce mec m'a rendu dingue, j'aime son style. Je l'avais découvert un soir dans Tout le sport avec Henri Sannier quand j'étais au lycée, à la fin des années 90. Je le vois débarquer, tout petit, des tatouages partout, graphiquement le mec était stylé... aujourd'hui ils sont tous comme ça mais à l'époque c'était nouveau. Je me suis mis au basket le lendemain et j'en ai fait 8 ou 9 ans : j'ai même eu des tresses et j'ai mis des diamants !

Tu t'es mis au basket à cause d'un simple joueur ?
Oui, et ça m'a donné envie de dessiner ces gars-là. A l'époque grecque, on dessinait ou on sculptait les héros : Jupiter, Apollon... aujourd'hui, nos héros, nos symboles, ce sont les grands sportifs. D'ailleurs je travaille aussi de plus en plus dans l'événementiel. Quand il y a un besoin d'illustration pour célébrer une victoire, commémorer un moment particulier... Dernièrement j'ai aussi bossé pour des grandes marques US sur des nécros pour rendre un bel hommage graphique à des sportifs : c'est toujours plus original qu'une photo lambda.

Tu as bossé pour les Bleus, le PSG, la NBA, de grandes marques américaines... Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter de plus ?
Pour atteindre quelque chose de vraiment fantastique il faudrait que je me mettes un peu en danger. Je crois qu'on ne fait pas de grandes choses dans l'art quand on a une vie de famille pépère et qu'on va chez Ikéa en monospace ! (rires)

Retrouvez Yann Dalon sur son site web, Instagram et Twitter.