Mathieu Persan, l'illustrateur maison

Le 04/05/2020

Mathieu Persan, l'illustrateur maison

Mathieu Persan a créé l'affiche symbole du confinement pendant l'épidémie, dont les ventes ont financé des achats de matériel dans les hôpitaux. Mais il est aussi un grand amateur de musique: il a évoqué avec nous sa collaboration avec Benjamin Biolay. Un artiste aussi pop que solidaire.

Tu as beaucoup de boulot en ce moment ?

C'est rien de le dire (rires)... Concernant l'affiche du confinement, je ne m'attendais pas à ce que ce soit partagé à ce point: j'avais fait ça comme un clin d’œil plus qu'autre chose. Le soir même c'était relayé par Angèle, Jean Dujardin, la Croix Rouge ou Jérôme Salomon... Ce qui est intéressant, c'est surtout d'avoir profité de cet engouement médiatique en le convertissant dans le monde réel, ce qu'on a fait avec une campagne pour récupérer des fonds sur KissKissBankBank. Cela a dépassé toutes mes espérances, car entre mettre un like sur une publication et s'engager à verser de l'argent, il y a un monde, et c'est normal. Je pensais recueillir 10.000€, en fait on en a en recueilli quasiment 80.000. Je n'avais pas du tout anticipé, maintenant il va bien falloir que je signe ces 3.000 affiches !

Tu peux commencer à t'échauffer le poignet, c'est bon de faire du sport pendant le confinement !
Oui, il va falloir que je trouve une signature facile à faire, sinon j'en ai jusqu'à la fin de l'année. (rires)



Tu as eu des retours des hôpitaux sur l'initiative ?
En l'espace de quinze jours, on a été capable de faire des virements de plusieurs milliers d'euros à des CHU: c'est une belle histoire, qui n'était pas écrite d'avance, c'est bien d'avoir pu aller au bout. Je ne travaille pas seul là dessus, je ne pouvais pas tout gérer, un spécialiste du crowdfunding m'a aidé en gérant tous les contacts. On voulait s'assurer que ce qu'on donnait allait être utilisé comme on le voulait. Paradoxalement, c'est plus facile de récupérer de l'argent que de savoir à qui le donner. On est face à d'énormes structures et, dans les faits, cela a été plus simple de traiter avec des hôpitaux en régions, avec qui on pouvait parler directement. On a donné aux CHU de Rennes, Strasbourg, Montpellier, Lyon... à qui on a demandé de s'engager à nous dire ce qu'ils allaient faire avec les fonds.

Concrètement, qu'est-ce que cela a donné ?
A Rennes ils ont acheté des "cocons" de micro-sieste pour les soignants. Un autre CHU nous a dit qu'ils avaient acheté des chaises, car le personnel n'avait même pas de quoi s'asseoir pour se reposer! Des chaises, quoi! Et aussi des humidificateurs d'air dans des services de réanimation, plein de petites initiatives qui ont pu être menées. Ils ont pu investir dans du matériel dont ils avaient vraiment besoin. Mais ce n'est pas la seule initiative qui a marché, je trouve que beaucoup se sont mobilisés parce qu'ils se rendaient compte qu'on était complètement démuni face à la maladie.

Tu as aussi récemment publié trois belles affiches imaginées pour Benjamin Biolay : tu peux nous en dire plus sur cette collaboration ?
C'est Polydor qui a eu cette idée: comment faire parler d'un disque sans forcément faire un clip ou diffuser les morceaux? Il fallait donner une couleur visuelle au travail de Benjamin Biolay, ils ont donc sollicité plusieurs illustrateurs pour leur demander à chacun de travailler sur trois chansons. Le thème s'y prêtait particulièrement, car son disque s'appelle Grand Prix: il y est beaucoup question de routes, de parcours, de trajectoires, c'est assez sombre, ça reste du Biolay, mais l'univers de la voiture est graphiquement très riche. On a pu écouter les chansons en avant première, et on a eu une liberté totale de créer des visuels, simplement en évoquant en illustrations ce que nous évoque la musique. Cela donne une nouvelle facette à son travail.

Biolay a lui-même fait des retours ?
Pas directement, mais c'était lui qui validait, oui. Il a trouvé ça super, le seul truc qu'il m'a demandé, c'est de remplacer le petit garçon que j'avais mis devant une roue de fête foraine par une petite fille, car il est lui-même père d'une fille.

C'était la première fois que tu travaillais avec un musicien ?
Non, j'avais déjà travaillé avec Divine Comedy, que j'admire depuis de nombreuses années: j'ai fait un clip pour eux l'an dernier, un animé de 8 minutes qui raconte une histoire. C'était pour l'album Office Politics, un album désabusé sur la modernité, le travail, pas anti-capitaliste mais presque. C'était très sombre, un peu à la Métropolis. J'ai aussi travaillé pour Elliott Smith ou Sonic Youth, mais cela reste du fan-art !

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Les affiches créées pour les Cahiers du foot par Mathieu Persan sur Pop&Kop:
https://www.popandkop.com/mathieupersan

Le store personnel de Mathieu Persan:
http://www.barbudesign.com/store

Le store de Benjamin Biolay, où trouver les affiches de l'album Grand Prix:
https://benjaminbiolay.store/

Tags: persan biolay