Uniques tuniques

Ils n'ont pas le même maillot, mais ils ont la même passion : avec son projet United Colors of football, Guy Pichard photographie dans la rue des fans de foot, et les rassemble dans une galerie de portraits réalisés entre la France et le Brésil.

Avec United Colors of football, vous photographiez des gens dans la rue qui portent des maillots de foot : quel est le sens de la démarche ?
J'habite entre le Brésil et la France, et j'ai observé qu'il y avait une vraie différence entre ces deux pays sur la question du maillot de foot en tant que vêtement : au Brésil, tout le monde porte des maillots, pour aller au théâtre, à la plage, pour se rendre à la salle de sport... Cela m'a questionné sur le sens que ça avait : savoir si les gens les portaient par hasard, ou si c'était plutôt par conviction, si ça avait un rapport avec leur identité... J'ai décidé de questionner les gens que je croise dans la rue, pour connaître les raisons pour lesquelles ils portent ces tuniques, et de les prendre en photo pour ensuite raconter leur histoire.

C'est toujours le hasard de la rencontre dans des lieux publics qui guide vos choix ?
En grand majorité, oui. Après je ne cache pas qu'au Brésil la démarche est beaucoup plus simple qu'en France : ici, je vais parfois provoquer les rencontres avec un appel sur Instagram, pour savoir qui possède un maillot intéressant. Je filtre ensuite les réponses par apport à l'intérêt du maillot. Si un parisien me dit qu'il a un maillot du PSG floqué Neymar, ça m'intéressera forcément moins que si c'est un maillot de club moins huppé, comme le Red Star ou Créteil par exemple.

Finalement plus que le maillot, ce qui est intéressant c'est l'histoire qu'il raconte ?
Il y a toujours quelque chose d'intéressant à raconter, oui. Ici, on ne parle pas de football en termes de jeu ou de résultats, mais on s'intéresse à la culture foot, et même à la culture au sens large, en fait. Du coup je n'hésite pas à faire un long texte si la personne a une belle histoire à raconter. A Rio, j'ai rencontré un jeune homme avec un maillot du Celtic. Gamin, il avait vu quelqu'un jouer avec cette tunique, il avait craqué dessus, et toute son enfance il a cherché à acheter un maillot du Celtic sans jamais parvenir à en trouver un. C'est lors d'un voyage scolaire en Espagne qu'il a enfin pu dégoté ce maillot, qu'il a ramené au Brésil. Il est hyper fier de ce maillot, et ça l'a même amené à s'intéresser au championnat écossais.

Il y a des choses communes entre toutes les personnes que vous photographiez ?
Il y a surtout une vraie différence de comportement entre les deux pays. Au Brésil, il existe une culture foot si massive que tu vas trouver tous les cas possibles : le foot est tellement banalisé que le maillot est presque devenu un vêtement comme un autre. Une fois j'ai croisé un marchand de glace qui portait un maillot : il ne savait même pas de quelle équipe il s'agissait. J'ai aussi rencontré un avocat dans son bureau, il travaillait avec un maillot de Chelsea. En France, on ne porte jamais un maillot par hasard. Si tu croises quelqu'un dans la rue avec un maillot du RC Lens en France, tu sais directement qu'il est fan du club, c'est obligatoire. Tu représentes forcément quelque chose quand tu portes un maillot.

Parmi tous vos portraits photo, il y en a un dont vous êtes particulièrement fier ?
Quand je me suis rendu aux Gay Games à Paris, les JO LGBT, j'ai trouvé un footballeur en maillot de Leicester : je l'ai pris en photo dans le parc olympique, devant la mairie ou flottait un drapeau arc-en-ciel. J'étais super content car symboliquement c'est très fort, ça permet de ne pas enfermer le foot dans ce qu'on peut lui reprocher : l'homophobie, et plus largement les insultes, le sexisme...

Vous avez de nouvelles idées pour développer United Colors of football ?
J'aimerais bien en faire un livre, voire un documentaire télé. J'ai envie de passer à une étape supérieure, exploiter cette belle matière. J'ai commencé à y penser car j'ai un contact qui fait de la vidéo, on bosse sur un synopsis mais c'est encore embryonnaire. Histoire de laisser une trace, et montrer cette mondialisation positive du football.

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