Couvertures alternées pour Society

Le 22/09/2020

Couvertures alternées pour Society

Leurs couvertures publiées pendant le confinement ont été primées, celles sur Xavier Dupont de Ligonnès s'affichent dans tous les kiosques de France: on est allé à la rencontre de ceux qui imaginent les unes du magazine Society.

Impossible de les rater dans les rues de Paris, de Nantes ou d'ailleurs. Depuis la sortie, fin juillet, du premier numéro spécial de Society consacré à Xavier Dupont de Ligonnès, le visage du plus célèbre disparu de France s'affiche en version puzzle dans tous les kiosques de l'hexagone. Un gros coup médiatique dont on a beaucoup parlé: épuisé en quelques heures, le premier volet de l'enquête a dû être réimprimé à plusieurs reprises, et les deux numéros spéciaux sont toujours disponibles à la vente, plusieurs semaines après leur première publication.


« On a ajouté des pièces du puzzle entre le premier et le deuxième visuel, mais s'il faut un jour faire un troisième numéro on pourra reprendre ce principe et compléter » (Laurent Burte, directeur artistique)


Mais si l'on sait que le groupe SoPress a laissé quatre ans à son équipe de journalistes pour réaliser ce travail de terrain, on en sait moins sur la façon dont ont travaillé les équipes créatives pour réaliser les « unes » de ces numéros très particuliers. Peggy Cognet, directrice artistique du magazine, s'en amuse d'ailleurs : « Dans la presse, passer du temps sur une couv, ça n'arrive jamais. Les journalistes on eut ce luxe là, mais pas nous », rigole-t-elle. Pour le fameux « puzzle » finalement retenu, c'est son collègue Laurent Burte, un autre directeur artistique (DA) du mag, qui a travaillé sur ces couvs : « Pour tout dire, à la base, on n'était pas vraiment fan de cette image de XDDL. Je ne voulais pas utiliser cette photo que tout le monde connaît et qu'on a déjà vue partout » explique-t-il. Pourtant, au fur et à mesure, l'idée finit par s'imposer : « À la réflexion, on s'est quand même dit que c'était dommage. Les autres photos dont on disposait n'avaient pas ce côté « iconique », il y avait le risque que les gens n'associent pas instinctivement la photo au personnage, et on a eu cette idée de l'exploiter avec un traitement graphique sous forme de puzzle qui correspondait parfaitement à l'idée de l'enquête », complète-t-il. Au-delà de la correspondance entre le fond du sujet et la forme, cette astuce présente aussi deux intérêts majeurs: assurer une cohérence graphique entre deux numéros qui font partie d'un même tout, et présenter un caractère totalement modulable. « On a ajouté des pièces du puzzle entre le premier et le deuxième visuel, mais s'il faut un jour faire un troisième numéro, on pourra reprendre ce principe et compléter » poursuit Laurent Burte.

Couvertures confinées
Véritables vitrines du magazine, les couvertures de Society sont aujourd'hui des références: les créations bigarrées du début, qui multipliaient les titres, ont été remplacées par un travail plus illustré, ou des choix photographiques audacieux : « Notre travail de DA, c'est de trouver ce qui permet le mieux de traiter le sujet », détaille Peggy Cognet. « Quelle que soit l'option iconographique choisie, il faut étudier ce qui sera le plus à même de correspondre à nos envies, à notre recherche ». Les couvertures réalisées pendant le confinement reflètent ces partis pris qui dépendent pour beaucoup de l'actualité. La première page de Society a ainsi alterné illustration pure, travail graphique ou mise en scène photographique. Ce boulot remarquable a d'ailleurs été reconnu, puisque CB News a décerné le Prix de la Une de presse au journal.
L'une de ces couvertures, dessinée, montre un arrêt de bus dans un environnement urbain et des passants masqués. Une œuvre de l'illustratrice Raphaëlle Macaron. « On a l'habitude de travailler avec elle pour les pages intérieures », précise Peggy Cognet, « on lui a expliqué notre recherche sur la "vie d'après", c'était l'idée de départ. La première piste graphique qu'elle nous a proposée ne nous convenait pas, on lui a demandé de retravailler et c'est elle qui nous a proposé cet arrêt de bus, auquel on a ajouté quelques éléments. Le nom de l'arrêt de bus, "L'inconnu", renvoyait ainsi à la couv de notre numéro précédent : une photo prise dans le métro avec pour titre : "Prochain arrêt, l'inconnu". »

« Cette couverture avec Society a sauvé mon confinement! » (Mathieu Wernert, artiste)



Mais la couverture qui a sans doute le plus marqué les esprits reste le fameux "Demain c'est loin", publié au début du mois d'avril, au moment où le président Macron annonçait le prolongement du confinement jusqu'à la mi-mai. Le célèbre titre d'IAM, illustré par une série de coups de tampons à l'encre rouge vif. Un choix graphique mûrement réfléchi ? Plutôt un petit coup de chance, en fait, comme les belles histoires journalistiques en comptent parfois.

L'oeuvre originale de Mathieu Wernert, et la couverture de Society


Demain c'est loin
« On avait eu l'idée du titre mais on n'arrivait pas à trouver ce qui retranscrivait cette notion du temps qui passe bizarrement, cette idée de jours qui sont toujours un peu les mêmes. On boucle le lundi, mais le dimanche on n'avait toujours pas la couv », se remémore Peggy Cognet. « C'est alors que j'ai vu passer une story sur Insta, avec ce fameux visuel des tampons. C'était exactement ce qu'on voulait dire et tout le monde a flashé dessus dans l'équipe. Je ne connaissais pas l'artiste, il était français, il m'a donné son accord immédiatement ».
L'artiste en question, c'est Mathieu Wernert. Pas seulement illustrateur, il est aussi peintre, aime à retoucher les photos, se dit grand amoureux des arts graphiques. Un touche à tout iconoclaste, en somme, qui a eu cette idée maline au début du confinement: « J'ai commencé à tamponner chaque jour sur une feuille de papier. Et, au fur et à mesure des jours qui passaient, je me suis amusé à positionner les tampons les uns sur les autres: une sorte de "surtamponnage" qui rendait l'idée d'une personne devenant hystérique avec le temps », détaille-t-il. Il publie d'abord une image tous les deux jours sur son compte Instagram, ajoutant des dates à chaque publication. Son travail est repéré par la directrice artistique du Monde qui le relaie sur les réseaux, et il devient rapidement viral, pour terminer sur un blog d'arts graphiques suivi par plusieurs millions d'abonnés. Ce qui n'était qu'un petit jeu graphique change alors de dimension, et c'est ainsi que son visuel finit par trouver la consécration en couverture de Society: « J'ai aimé que l'image circule, même si cela fait un peu peur car on perd toute maîtrise sur la façon dont elle est utilisée. Des émissions de télé en ont parlé. Et Ariane Chemin, une journaliste du Monde que j'aime beaucoup, a même comparé cette une à celles du New-Yorker », explique-t-il avant de conclure, amusé: « Cette couverture avec Society a apporté un peu d'imprévu. Elle a sauvé mon confinement! »

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Retrouvez les couvertures iconiques de Society:
https://www.popandkop.com/affiches-sopress

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